Pastorale de la santé
Comment accompagner une personne âgée fragile ?
Intervention du Docteur Stéphane Chausse
Introduction :
Je me présente : Docteur Stéphane CHAUSSE, à la retraite depuis le début d’année, chef de service de l’Unité de Soins de Longue Durée (USLS) du Centre Hospitalier d’Autun pendant 30 ans
Ce service reçoit les personnes particulièrement fragiles. Le but de mon intervention est de nous proposer quelques conseils et pistes de réflexion pour accompagner au mieux ces personnes.
- Les conditions à respecter si l’on veut faire du bien à une personne fragile :
Source : Carl ROGERS, psychologue américain, considéré comme l’un des fondateurs de l’approche humaniste en psychologie.
En 1957, Carl Rogers écrit un article dans lequel il décrit les « 6 conditions nécessaires et suffisantes à l’apparition d’un processus de modification positive de la personnalité »
Ces 6 conditions sont les suivantes :
- L’empathie : (capacité de s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent)
Pour Car ROGERS : « Percevoir la manière empathique, c’est percevoir le monde subjectif d’autrui « comme si » on était cette personne, sans toutefois jamais perdre de vue qu’il s’agit d’une situation analogue, comme si »
L’empathie n’est pas :
- la sympathie (similitude des sentiments), s’entendre, se plaire, se complaire
- la familiarité
- la connivence (je suis comme vous)
Obstacles à l’empathie :
- les théories, ou à prioris, de l’aidant (croyances, préjugés…) qui peuvent perdre de vue la singularité, l’individualité de la personne fragile.
- avoir un projet sur l’autre
- penser : « si j’ai vécu la même situation, il la vivra probablement de la même façon que moi ».
- Le regard positif inconditionnel :
Le regard positif inconditionnel est le nom donné à l’attitude fondamentale de l’aidant envers la personne fragile : l’aidant valorise profondément l’humanité de la personne fragile et n’est détourné de cette estime par aucun comportement particulier de celle-ci. Cette attitude se manifeste par une acceptation constante, chaleureuse et durable de la personne fragile. L’important est de regarder l’autre avec considération, intérêt, estime, respect. Ce n’est pas toujours facile mais au moins fait-on au mieux pour essayer de s’en approcher….
- La congruence : être vrai
Définition du dictionnaire : qui convient, qui s’applique bien, approprié, adapté ;
Chez Carl ROGERS : sincérité, authenticité, honnêteté, présence, harmonie.
« Quand mon expérience vécue du moment est présente à ma conscience, et quand ce qui est présent à ma conscience est aussi présent à ma communication, alors chacun de ces trois niveaux est en harmonie ou en congruence » Car ROGERS
Quand je suis congruent :
- alors je suis perçu par l’autre comme authentique ou transparent
- je peux choisir de communiquer cette expérience si j’estime que c’est opportun (en réponse à un questionnement de la personne fragile, ou si c’est persistant ou frappant)
Les trois autres conditions :
- il faut bien sûr qu’il y ait rencontre entre l’aidant et la personne fragile
- que la personne rencontrée ait une fragilité, une vulnérabilité.
- la perception, au moins embryonnaire, par la personne fragile, de l’empathie et du regard positif inconditionnel.
2 remarques sur ces 6 conditions nécessaires et suffisantes pour faire du bien à une personne fragile :
-le fait d’être thérapeute n’est pas une condition nécessaire. Une véritable amitié, par exemple, satisfait souvent, même si c’est brièvement, à ces 6 conditions.
- Pour Carl ROGERS, ceci est valable quel que soit la fragilité.
- La rencontre elle-même :
Sources : - l’Humanitude (Yves GINESTE et Rosette MARESCOTTI), technique de soins faisant référence en matière de bientraitance.
- Milton ERICKSON et l’hypnose Ericksonienne (hypnose thérapeutique, permettant par exemple des interventions chirurgicales sans anesthésie)
Dans cette partie, je vais proposer des conseils en ayant à l’esprit la rencontre avec la personne fragile sans doute la plus difficile à accompagner : la personne démente (en médecine, « démence » signifie : présentant une maladie de la mémoire), communiquant peu ou pas.
Ces conseils sont valables pour tout accompagnement.
La rencontre avec la personne fragile doit se faire avec respect et douceur.
- Je frappe à la porte. J’entre dans un espace qui appartient à la personne fragile : je demande l’autorisation d’entrer. J’attends la réponse. Si elle ne vient pas, je frappe une seconde fois.
- J’entre et m’approche tout en me présentant, d’une voix douce. Le langage du corps est important : être détendu et souriant ;
- Ne pas se positionner au-dessus de la personne, ce qui serait angoissant, mais au même niveau, ou mieux encore si possible : en dessous.
- Essayer de capter son regard pour attirer son attention. Les personnes fragiles peuvent être facilement distraites : être si possible seul dans la pièce, sans TV ni radio.
- Le contact physique : attention, cela peut être mal interprété et source de repli sur soi ou d’agressivité. Pas de « pince » (mémoire émotionnelle)
- Utiliser des phrases courtes
- Si l’on questionne, utiliser des questions fermées (dont la réponse est « oui » ou « non »
- Doit-on ramener à la réalité quelqu’un qui délire ? Oui, si le délire le met en danger. Mais on peut aussi simplement l’écouter : cela aura un effet apaisant et nous permettra d’être attentif à ce qui est dit dans le délire, les mots employés ;
- Lorsqu’on parle, essayer d’utiliser des mots positifs. En effet, notre inconscient est attentif aux mots prononcés.
Exemple : ne pas dire : qu’est-ce qui va mal ? Ne vous énervez pas, n’ayez pas peur, ne paniquez pas, que puis-je faire pour que vous ne vous sentiez plus en danger ? Je vais faire en sorte que les choses aillent moins mal.
Préférez dire : qu’est-ce qui ne va pas bien ? Calmez-vous, vous êtes en sécurité, soyez rassuré, que puis-je faire pour que vous alliez mieux ? Je vais faire en sorte que les chose aillent mieux, dans le bon sens.
- Sauf demande expresse de la personne fragile ou de ses proches, la vouvoyer.
L’utilisation du prénom peut être utile (surtout en cas de trouble de la mémoire) mais ne pourra être réalisé qu’avec l’accord de la personne fragile et/ou de ses proches.
- Ne pas hésiter à lui demander ce qui peut lui faire plaisir ;
- Chez les personnes présentant des troubles de la mémoire, privilégier des visites courtes et régulières.
- Quelques réflexions concernant différentes pathologies :
- La confusion :
Chez la personne âgée fragile, ne pas confondre confusion et démence.
La confusion : apparait brutalement
Impression de vivre un cauchemar éveillé
Entrecoupé dans la journée par des moments ou la personne est très bien
Souvent : agitation la nuit, somnolence dans la journée.
La confusion est totalement guérissable si on traite la cause (le plus souvent un nouveau médicament mal supporté ou un infection)
C’est une urgence gériatrique : prévenir un médecin
- Les démences :
Deux grands mécanismes :
. Démences dégénératives : altération progressive des cellules du cerveau, les neurones (exemple : maladie d’Alzheimer)
. Démences vasculaires : défaut de vascularisation des neurones
Les démences ne touchent pas que la mémoire : troubles neurologiques qui affectent aussi les mouvements.
Les atteintes de la partie frontale du cerveau peuvent entrainer :
. Des persévérations orales (la personne répète la même phrase) ou gestuelles (elle refait toujours le même geste)
Essayer la distraction
. La désinhibition : la personne fait tout ce qui lui passe par la tête (se promener nue dans les couloirs, uriner là où elle se trouve…)
Pas de jugement : ces comportements sont l’expression de la maladie de la mémoire.
- La maladie de Parkinson :
Elle associe habituellement raideur musculaire, tremblements et difficulté à débuter un mouvement.
Laisser à la personne du temps si elle veut, par exemple, vous serrer la main. Même chose dans l’expression des émotions au niveau du visage.
Ces troubles de la mémoire peuvent être présentes ou non dans la maladie de Parkinson
- Les accidents vasculaire cérébraux :
Ils peuvent entrainer une aphasie ou une difficulté à s’exprimer.
Il existe deux types d’aphasie :
. Aphasie de BROCA : la personne a du mal à parler. Elle a aussi des difficultés à écrire. Mais habituellement la personne comprend bien ce que vous dites.
. Aphasie de WERMICKE : aucun problème d’élocution mais la personne ne dit plus que des choses incohérentes. Dans ce type d’aphasie, souvent la personne ne comprend pas ce que vous dites.
Conseil : utiliser des questions fermées, en demandant de répondre « oui » en faisant une pression des doigts ou en fermant les yeux ;
- Déficiences sensorielles :
. Visuelle : respecter l’espace, attention à ne pas déplacer les objets.
. Auditive : comment les proches communiquent-ils ? Quelle oreille entend mieux ?
Ne pas forcément parler fort mais bien articuler.
Possibilité de lecture labiale
Utiliser des ardoises pour communiquer peut-être très utile.
- Conclusion :
On se comporte comme on est regardé
Attention au regard que l’on porte sur les autres !
Le vrai bonheur est fait de petites choses
Gardons notre capacité à nous émerveiller, y compris des petites choses…
Les vieux pommiers ne donnent que des jeunes pommes !