le mardi 26 mars 2024 en l’église Saint-Laurent au Creusot

 

La messe chrismale manifeste visiblement le lien étroit des prêtres avec leur évêque. Depuis ce matin, nous avons échangé ensemble, prêtres et évêques, avec également les diacres et les épouses de diacre, avec les séminaristes, et avec l’aide précieuse du nouveau prieur de Taizé, frère Matthew. Chaque année, la célébration de la messe chrismale au milieu d’un peuple nombreux, « ravive » en chacun de nous la flamme intérieure, le don reçu lors de l’imposition des mains au jour de l’ordination sacerdotale. Nous sommes, dit l’apôtre, « vos serviteurs à cause de Jésus ». Nous ne sommes pas prêtres, ni diacres, pour être servis, mais pour servir, et servir en premier lieu le peuple sacerdotal des baptisés et ceux qui s’approchent du baptême. Nous voulons quitter les vieilles routines, abandonner les propos découragés et les jugements péremptoires, nous voulons à nouveau nous mettre en route, comme au premier jour de notre ordination, pour avancer au pas de la grâce, au gré de sa grâce, comme l’a écrit le père André Louf.

Et vous, frères et sœurs qui êtes venus à cette messe chrismale, vous nous encouragez fortement à être des serviteurs enthousiastes et unis entre nous, vous priez aussi pour nous, et vous nous entourez de votre charité si souvent sentie, précieuse et chaste, humble et efficace.

Le lien qui unit les prêtres entre eux et avec l’évêque, comporte bien évidemment des aspects humains, aspects de connivence, d’affection mutuelle, d’expériences vécues ensemble dans le soin du peuple de Dieu, oui. Mais il est fondamentalement plus profond encore que cela. Il résulte de notre commune ordination, ordination à servir comme prêtres le peuple qui nous est confié par Dieu lui-même, Son Peuple.

Et ce soir, comment ne pas être dans la joie, et dans la reconnaissance envers Dieu, à cause de ce lien dans le sacerdoce ministériel tel que l’expérimente le père Grégoire Drouot avec et pour nous tous depuis son ordination sacerdotale en 2007. Il est appelé, depuis ce lien admirable dans le sacerdoce ministériel, à entrer bientôt dans l’ordre des évêques, à embrasser cette mission exercée toujours collégialement, et qui m’est confiée parmi vous depuis 18 années. Cette dernière messe chrismale du père Grégoire Drouot dans notre diocèse nous entraîne plus avant, pour que nous disions de façon plus authentique et avec sérieux, notre oui renouvelé à Dieu, par Son Fils dans l’Esprit, pour le bien du peuple de Dieu tout entier. Nous voulons simplement l’aimer authentiquement, ce peuple que Dieu s’est acquis, et le servir avec enthousiasme.

Surtout, la messe chrismale célébrée chaque année, au cours de la semaine sainte, fait apparaître la beauté de l’unique médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ.

Le monde a tant besoin de la beauté du Christ, beauté qui jaillit sur ceux pour qui Il a livré sa vie, c’est-à-dire tous les hommes et femmes, sans aucune exception. Soyons les révélateurs de cette beauté, par notre manière de vivre au milieu du monde, par notre accueil sincère du pardon reçu et donné, par notre espérance et par notre amour des plus fragiles. J’ai entendu récemment un prêtre me dire ce mot admirable de Saint Augustin : « Où est l’Église du Christ ? Elle est là où les péchés sont pardonnés. »

L’unique sacerdoce du Christ met en communion avec Dieu, et réalise l’unité et la communion entre les hommes. Le Christ Jésus intercède pour nous, et nous établit dans l’alliance qui fait vivre pour l’éternité. Son sacerdoce, son offrande, arrachent le monde à la mort et à la haine. Qu’est-ce que la mort ? Qu’est-ce que le péché ? Sinon le fait d’être retranché, ou de retrancher quelqu’un, de la terre des vivants, c’est-à-dire la terre où se vivent des relations fraternelles authentiques et durables.

Et qui nous arrachera aux liens de la mort et du péché ? Qui sauvera des inconsolables situations qui ont plongé des petits et des humbles dans d’abyssales souffrances ?

Nous éprouvons combien l’écoute et le chemin de restauration et de réparation sont vitales pour les victimes d’abus. Nous savons combien cette écoute et ce chemin de restauration et de réparation sont salutaires pour que des personnes puissent vivre à nouveau avec un horizon qui ne soit pas celui de l’impasse où les avaient coincés leurs abuseurs. L’horizon ouvert, c’est celui vers lequel les sacrements de l’Église entrainent ceux et celles qui les célèbrent avec foi et humilité de cœur.

Ce soir est comme un nouveau commencement de la vie du peuple sacerdotal, peuple sacerdotal que nous formons ensemble, tous, par le dynamisme du baptême commun qui nous a fait naître à la vie du Christ. En lui le Christ, la joie de l’évangile est annoncée aux humbles, la délivrance des captifs de toutes sortes est proclamée, ainsi que la libération des prisonniers, et surtout, ô combien, le temps de notre monde se change en un temps de bienfaits ; la consolation des affligés devient réelle. Et au lieu de la cendre de la mort et des incendies dévastateurs, c’est une huile de joie qui nous est offerte, c’est une eau pure qui lave et qui restaure en beauté et dignité ceux que le péché avait abimé. Et au lieu de l’esprit abattu, c’est un habit de fête. Éclairés et vivifiés par la lumière de Pâques, nous rendons grâce à Dieu. Amen !

+ Benoît RIVIÈRE