N°5 du 1er mars

Il ne nous est pas facile de retrancher quelque chose à notre vie habituelle et à notre corps, que ce soit en nourriture, en boisson, en plaisanteries, en achats et en distractions, en lectures… Nous sommes tellement poussés à faire et à accumuler davantage !

Dans la règle de Saint Benoît, j’ai découvert l’autre jour grâce à un moine, l’admirable n°49 sur l’observance du Carême dans lequel il est indiqué que « chacun, au-delà de ce qui lui est prescrit, offre à Dieu quelque chose de son propre mouvement dans la joie de l’Esprit-Saint… ». Ayant décidé cela, de lui-même et dans la joie spirituelle, s’étant ouvert à l’abbé c’est-à-dire, pour nous qui ne sommes pas moines, en se méfiant du poison de la présomption et de la vaine gloire, « que le moine attende la sainte Pâque dans la joie d’un désir spirituel ».

Il ne s’agit donc pas d’une ascèse pour elle-même, mais d’un volontaire et joyeux don, pour que se creuse en nous l’espace d’un désir spirituel. Tant de désirs superficiels nous ligotent, et font oublier le vrai désir spirituel, celui de demeurer en alliance avec Dieu.

Nous sommes si souvent tentés par le « remplissage » du temps, de la pensée, du cœur, du ventre, des réactions … qu’il vaut la peine de « retrancher » à notre corps pour que la prière, la pureté du cœur, l’évitement des péchés, l’accueil et le service des autres, ne soient pas des simples considérations, mais des réalités.

Je constate en moi-même, et aussi en entendant les autres, que sans le ressaisissement intérieur pour être de nouveau réellement présent au « Père qui est là dans le secret », je suis agité à tout vent dans les activités, et jamais vraiment en repos quand les activités cessent. François de Sales a cette expression admirable : « c’est dans l’habitude de vous retirer souvent en vous-même que se trouve la pratique essentielle de la vie spirituelle. Sans elle, le repos n’est qu’oisiveté et le travail, agitation. »

J’entendais, il y a quelques jours, des amis échanger entre eux sur la tristesse qui résulte de l’abandon de la prière, abandon qui marche avec l’affaissement de la volonté, l’inflation des ressentiments et du vain bavardage ! Et ces amis s’encourageaient à « s’engager dans la pratique de la prière, de tout son cœur, et à ne pas abandonner. »

Je reviens à la Règle de Saint Benoît, et à son attente de la sainte Pâque dans la joie d’un désir spirituel. Ce désir est avivé par la prière, il grandit grâce au jeûne, et il s’exprime en actions concrètes auprès des autres. Bonne attente de Pâques dans cette joie-là !

+ Benoît RIVIÈRE

crédit photo : Diocèse d’Autun/MAMDT