N°7 du 29 mars

 

L’évangile selon saint Jean fait voir à quel point l’amour de Jésus provoque une course. Non pas une course pour fuir je ne sais quel ennemi, non pas la course des retardataires voulant attraper le train qui va partir, non pas une course solitaire pour battre un record, mais une course amoureuse.

Marie-Madeleine, la première à se rendre là où le corps de Jésus avait été déposé, voyant le tombeau vide, se doutant que quelque chose est arrivé, même si elle ne peut encore rien deviner de la résurrection, court vers Pierre et Jean. Et les deux apôtres à leur tour « sortent », et se rendent au tombeau en courant.

L’amour ne donne peut-être pas toujours des ailes, mais toujours il met en état d’exode vers la joie, en état de course en avant. Quel est le ressort de cette course du matin de Pâques ?

L’évangile selon saint Jean précise que Jean court plus vite que Pierre. Cette curieuse remarque m’interroge : pourquoi cela ? Un chant d’offertoire de la liturgie orientale m’est venu à l’esprit : « allons à la rencontre du Seigneur, ayant déposé tous les soucis du monde ». Pierre et Jean avaient sûrement, comme nous-mêmes, le souci de ce que Dieu leur confiait, ils étaient des hommes responsables qui portaient également le souci légitime du travail et de la justice. Quand la liturgie orientale fait chanter le détachement des soucis du monde, ce n’est évidemment pas pour nous sortir de nos responsabilités. Que signifie alors cette remise devant l’autel des soucis du monde ? C’est pour ne plus être conduits avec lourdeur par les soucis eux-mêmes, c’est pour les déposer dans la coupe eucharistique. Et alors, nous pouvons entrer dans la course amoureuse des croyants et des amoureux, non plus repliés sur nous-mêmes, mais de concert avec les autres.

Cela n’explique pas encore pourquoi l’un des deux disciples de Jésus courut plus vite que l’autre ! Il me semble que Pierre gardait encore en lui-même le poids inutile du souci de son propre rétablissement en grâce devant Jésus, là où Jean ne comptait plus que sur l’amour de Jésus. Quand nous avons conscience de nos fautes, c’est peut-être une bonne chose, et c’est une meilleure chose encore que de nous jeter en courant dans les bras de la miséricorde, et en elle, de voir le souci de notre salut ne plus devenir qu’une course amoureuse.

« Pâque nouvelle ! » chante une hymne chrétienne ancienne. Elle est nouvelle, ô combien, la Pâque de cette année pour ceux qui, à l’imitation des apôtres, sortent en courant vers le lieu où la Foi devient vivante, le lieu où devient visible l’accomplissement des promesses de Dieu.  « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie », leur dit le Seigneur, en leur communiquant sa Paix.

+ Benoît RIVIÈRE