Mardi Saint 4 avril 2023, en l’abbatiale Saint Philibert de Tournus

« Jésus trouva le passage où il est écrit : l’Esprit du Seigneur est sur moi »

Chers frères et sœurs,

Au début du Carême, nous étions poussés par l’Esprit-Saint au désert avec Jésus, pour apprendre quelle était la bonne nourriture pour le monde : « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole venant de la bouche de Dieu. » Nous entrions dans le Carême pour jeûner de ce qui ne rassasie pas, et pour apprendre à avoir faim de ce qui vient de Dieu. Nous avons éprouvé en nous-même combien Sa Parole ne lui revenait pas sans avoir accompli sa mission.

Nous étions également dans la gratitude de voir se lever les catéchumènes, au terme du temps du catéchuménat, pour entrer dans le Carême de la purification, en vue de la grande plongée dans la mort et la résurrection de notre Sauveur, durant la veillées pascale prochaine.

Ce soir, au cours de cette messe chrismale, à quelques jours de Pâques, nous suivons Jésus aussitôt après le temps du désert et de la tentation ; nous le voyons, dans la puissance de l’Esprit-Saint (Lc 4,14) venir à Nazareth où il avait été élevé ; nous le voyons se joindre aux pratiquants qui se réunissaient régulièrement à la synagogue.

La synagogue, c’est le lieu où les croyants juifs se rassemblent pour la prière et l’écoute de la Parole de Dieu, le lieu où, littéralement, ils apprennent la manière de vivre ensemble. Dans synagogue, il y a presque le mot synode. Et ils l’apprennent, à vivre ensemble, dans l’écoute communautaire de la Parole de Dieu et de Sa promesse, tout spécialement le jour du shabbat, jour consacré à la prière et à la joie communautaire.

Remarquons ici que Jésus est pratiquant sincère et éclairé de la liturgie de la synagogue. Combien plus, il est modèle indépassable de la pratique de la foi juive, il est celui qui accomplit pleinement la promesse faite jadis aux patriarches de la première alliance.

Quelle belle méditation que celle de deviner sa joie de revenir, adulte, dans le lieu où il a grandi en taille, en sagesse, et en esprit devant Dieu et devant les hommes. Être avec les autres sous l’autorité lumineuses et salvatrice de Dieu, voilà ce qui est ce soir encore motif pour nous d’une profonde joie. Être ensemble rassemblés au nom de Celui qui est la source de toute paternité, par Son Fils unique et bien aimé Jésus-Christ dans le souffle admirable et joyeux de l’Esprit-Saint qui les unit, voilà l’Église ! Voilà l’Église en train de renaître et de se recevoir pour être envoyée comme Jésus lui-même dans le monde. L’Église n’est pas envoyée dans une zone réservée à certains, elle n’est pas envoyée à côté des conflits et des souffrances, elle est envoyée au cœur du monde déchiré par tant de malheurs…et elle est en elle-même témoin de ce qu’accomplit la Parole de Dieu.

Il est, lui Jésus, le véritable lecteur de l’histoire sainte, le véritable interprète, Celui en qui nous déchiffrons patiemment notre histoire, il est le témoin fidèle, comme le dit le livre de la Révélation dont nous entendons ce soir le début. Avec lui, par lui et en lui, nous recevons le même Esprit-Saint qui nous fait goûter la joie de la Parole accueillie. Cet Esprit était déjà annoncé par le prophète Isaïe au serviteur fidèle qui entendait : « Le Seigneur m’a consacré par l’onction… » Et pourquoi donc ? pour dire l’Évangile aux humbles, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé… (Is 61)

Comme nous la comprenons bien, cette mission de l’envoyé de Dieu, tellement il est vrai que nous savons d’expérience la vanité de tant de paroles creuses, vides, et qui ne sont pas tenues ! Nous savons d’expérience l’immense détresse de ne pas aimer, celle de ne plus croire l’amour de Dieu ni celui des autres ; nous savons d’expérience ce que veut dire ne pas être réconfortés dans la nuit du doute et de la mort ; nous savons d’expérience aussi combien le monde aspire à voir sa tristesse se changer en joie, à voir et à sentir le parfum de la fête véritable en lieu et place de l’odeur nauséabonde des querelles sans fin, en lieu et place des pensées mauvaises, superficielles ou égoïstes. Oh oui, comme elle est actuelle cette prière de David, l’oint du Seigneur :

« Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,

Renouvelle et affermis au fond de moi mon esprit »

La mission de l’envoyé de Dieu est reçue dans l’assemblée, dans le peuple convoqué par Dieu, pour vivre de ce qui ne vient des pensées des hommes, pour vivre de la Parole de Dieu donnée par amour…

Dans la synagogue familière de Nazareth, comme aujourd’hui dans l’Église en prière, comme ce soir au cours de la messe chrismale, la parole s’accomplit vraiment, parce que la même puissance en laquelle Jésus a guéri, libéré et appelé à sa suite, la même puissance se déploie dans les sacrements de l’Église.

Elle s’accomplit :

-       dans le baptême qui fait renaître,

-       dans la confirmation qui met en nous le baume du salut,

-       dans le pain eucharistique pour la route, corps et sang de Celui qui a pris chair pour nous dans la Vierge Marie,

-       dans la libération opérée par le pardon divin,

-       dans l’onction qui institue les évêques, les prêtres et les diacres au service du peuple sacerdotal,

-       dans l’échange des époux recevant dans leur amour la grâce d’être témoins de la fidélité de Dieu,

-       dans le réconfort des malades et de ceux qui sont au milieu du monde, signes de la puissance de Dieu à recevoir dans la faiblesse elle-même.

Dans la douceur et la force de l’Esprit par lequel Jésus s’est levé d’entre les morts, après avoir subi pour nous librement la mort sur la croix, dans ce même Esprit, nous prierons ce soir pour que les sacrements continuent d’être célébrés pour le salut du monde, nous prierons pour que chacun et chacune de nous soit renouvelé en profondeur, réconcilié avec Dieu et les frères, prêts à se lever pour aller plus loin, là où Jésus lui-même est passé en faisant le bien, en guérissant et en donnant accès à la joie qui ne sera jamais enlevée.

Amen !

+ Benoît RIVIERE

Evêque d’Autun, Chalon, Mâcon