Chers frères et sœurs,

Fatigués par tant d’annonces qui saturent nos esprits, meurtris par les maladies de l’âme et du corps, honteux des scandales qui blessent profondément les enfants et les jeunes, nous mendions le réconfort, la guérison et l’espérance, à Celui qui peut nous sauver de la mort.

La messe chrismale nous remet devant Celui qui a pris dans sa chair la misère et le mal, pour nous apporter toute bénédiction, partout et pour toujours. Il y a deux jours, avec la foule des enfants de Jérusalem, nous avons proclamé le Christ avec ce mot si précieux de la foi : Hosanna ! c’est-à-dire : le Seigneur nous sauve !

Aujourd’hui, avec la foule des petits qui demandent et qui demanderont demain le réconfort des gestes qui relèvent et qui guérissent, nous appelons sur le monde entier la puissance de la pâque de Jésus. Puissance cachée au regard des orgueilleux, et manifestée pour le salut des humbles.

Mes frères prêtres, vous le savez bien, les humbles, mieux que personne, montrent le vrai visage du Christ et de son Eglise.

Ils ne sont pas centrés sur eux-mêmes,

ils ne surplombent pas les autres,

ils demandent à être bénis, et à recevoir la bénédiction pour leurs proches.

Ils ne se découragent pas pour toujours, parce que, se jugeant eux-mêmes indignes de la grâce de Dieu, ils la reçoivent chaque jour dans leur prière confiante, telle la prière de l’aveugle Bartimée sur le bord d’un trottoir à Jéricho : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi. »

Et dans cette messe chrismale, avec le renouvellement des promesses de notre ordination sacerdotale pour le bien du peuple tout entier, nous recevrons aussi la prière du peuple de Dieu pour nous, pour que nous remplissions notre mission, dans un esprit de foi et de charité, empreints de la douceur que le Christ vient apporter au milieu des amertumes de l’existence humaine. Le pape lui-même, le jour de son entrée en fonction d’évêque de Rome, n’a-t-il pas mendier la bénédiction du peuple croyant ?

Et aujourd’hui, oui, nous mendions tous, vous frères et sœurs baptisés et catéchumènes, avec les prêtres, les diacres, les consacrés, nous mendions la parole qui sauve, la parole qui guérit, la parole qui relève et qui met la douceur au lieu de l’amertume.

Les gestes et les paroles de la bénédiction de l’huile des malades tout à l’heure, au sommet de la prière eucharistique, nous le rediront : le Christ vient donner l’Esprit de réconfort et de pardon, au creux de nos blessures et de nos maladies. Et puis nous communierons au même pain de vie éternelle, avant d’appeler la bénédiction sur l’huile qui fortifiera nos amis catéchumènes dans le beau combat de la foi. Enfin, nous appellerons l’Esprit-Saint sur l’huile parfumée qui oindra les nouveaux baptisés, ceux qui, plus tard, recevront la confirmation, ceux qui seront ordonnés pour être collaborateurs des évêques, et les nouveaux évêques eux-mêmes, et jusqu’aux pierres dressées pour devenir les autels du rassemblement eucharistique.

Un chrétien des tout débuts de l’Eglise ici à Autun, avait gravé sur la pierre une inscription admirable, témoin de la foi qui est toujours la nôtre aujourd’hui. En voici quelques extraits : « Ami, réconforte ton cœur dans les eaux intarissables de la vraie sagesse qui enrichit ! Mange en affamé le poisson que tu tiens dans tes mains. C’est mon plus profond désir de me rassasier du poisson, Maître, sauveur. »

Ce baptisé des débuts de notre Eglise à Autun, Pectorios, parlait évidemment du Christ sauveur, en utilisant l’image du poisson. Ce mot poisson en grec contient en effet les initiales de ce qui est le diamant pur de la foi : « Jésus est le Christ, le Fils de Dieu sauveur ! »

Et, comme pour manifester le bonheur et l’espérance que les sacrements de l’Eglise apportent aux humbles, Pectorios avait aussi fait graver ceci : « reçois l’aliment doux comme du miel, venant du Sauveur des sanctifiés. »

On se souvient que les gestes sacramentaux du baptême, de la confirmation et de l’Eucharistie, étaient accompagnés dans la primitive Eglise par la réception du lait et du miel. C’était pour dire l’entrée dans le pays où Dieu donne en abondance et sans mérite de notre part, le lait et le miel qui confortent et qui réjouissent.

Demandons aussi, cette année particulièrement dédiée à Saint Joseph, l’époux de la Vierge Marie, d’être comme lui et avec lui, emplis de l’esprit de la force et de la douceur. Et comme lui et avec lui, levons-nous, et prenons Jésus avec sa mère, pour entreprendre le bon exode.

Cet exode, dit admirablement Saint Basile dans son traité sur le Saint-Esprit, « c’est le dessein de Dieu en faveur de l’homme, qui consiste à le ramener de son exil, à le faire revenir dans l’intimité de Dieu en le tirant de l’éloignement causé par sa désobéissance. »

La foi nous met constamment en exode, exode par lequel nous sommes conduits de la mort à la vie.

Conduits ensemble de l’isolement à la communion.

Conduits de l’amertume à la douceur.

Conduits de la tristesse à l’allégresse de Pâque.

Que cette eucharistie marquée par la bénédiction et la consécration, soit pour chacun et chacune d’entre nous, comme pour ce frère autunois aîné dans la Foi, une plongée dans les eaux vivifiantes de la grâce du seul Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ.