Messe célébrée en l’église de l’Abergement-de-Cuisery

 

Chers frères et sœurs,

Le pape François a écrit un message directement adressé aux grands parents, et, plus généralement, à toutes les personnes âgées. Parmi nous ici ce matin, certains sont grands parents, et certains, âgés et sans enfants, ressentent peut-être encore plus que les autres, cette question que pose le pape dans son message pour cette première grande journée mondiale des grands parents et des personnes âgées : « Ma solitude n’est-elle pas un trop lourd fardeau ? » Il y a une bonne solitude, celle de nous tenir, intérieurement disponible à la parole de Dieu et à l’amour envers les autres.

A ce propos l’évangile de ce dimanche nous éclaire et nous réconforte. Après avoir longuement nourri de sa parole ceux et celles qui venaient près de lui pour être guéris et rassasiés, Jésus, dit l’Evangile, se retire dans la solitude sur la montagne. C’est qu’il veut absolument éviter qu’on fasse de lui un roi selon les critères du monde.

C’est en effet une tout autre royauté que Dieu lui donne, celle d’aimer et de sauver au-delà de tous les espoirs de ce monde, celle de vaincre l’ennemi des hommes et de Dieu. La solitude des personnes âgées est-elle un fardeau ? Oui, à certains jours, c’est un fardeau. Car nous sommes créés, jusqu’au bout, pour être dans une relation vitale avec les autres. Créés à l’image de Dieu, nous manquons cruellement de vie quand nous manquons d’amour. La vie réelle, c’est participer aux échanges du cœur et de l’esprit avec d’autres sous le regard de bienveillance infinie qui est celui de Dieu, Père de tous les hommes.

Il y a donc une bonne solitude, celle qui fait que nous habitons intérieurement dans l’amour, et qui est espace pour la prière et pour la mission. Et nous pouvons contempler cette heureuse solitude de Jésus sur la montagne, non pour se couper du monde, mais pour recevoir le monde dans la lumière du véritable amour. Nous pouvons désirer cette juste distance avec les ambitions du monde et désirer cette disponibilité aux autres à la manière du Seigneur, c’est-à-dire dans une immense liberté intérieure et un immense détachement de nous-mêmes.

Mais il y a aussi, les personnes âgées le savent bien, une solitude mauvaise, qui gangrène le cœur et l’esprit : « Ai-je encore une mission dans ce monde ? »

Et si nous pensons que les autres n’ont plus rien à nous dire et que nous n’avons plus rien à dire aux autres, alors oui, nous entrons dans une triste solitude. Regardons ces foules sur la montagne de la multiplication des pains, les foules venues écouter et se laisser rassembler autour du pain qui nourrit vraiment à la fois l’âme et le corps ; ces foules ont goûté la joie d’échapper à la mauvaise solitude, celle du chacun pour soi et du chacun chez soi. Elles ont trouvé un pâturage et une fraternité, elles ont éprouvé ce bonheur qu’à partir de très peu de choses, Dieu lui-même fait des choses admirables.

Une personne âgée, et en vérité, toute personne humaine, a soif de ce qui désaltère vraiment, a faim de ce qui ne nourrit pas seulement le corps, mais aussi le cœur et l’esprit.

L’Eucharistie nous ouvre à cette communion d’amour et à cette présence réconfortante du Seigneur : « Voici que je fais toutes choses nouvelles, nous dit-il, voici que je suis avec vous tous les jours. » 

Le pape insiste beaucoup sur cette présence du Seigneur, présence jusqu’au creux de nos épreuves et de nos solitudes, présence qui redonne l’élan et la joie d’être nous-mêmes, quel que soit l’âge, artisans de la mission qui arrache le monde à la mauvaise tristesse et à la mort. Et il a cette expression lumineuse : « il n’y a pas de retraité de la mission. » Comment recevoir cet envoi permanent en mission ?

En risquant toujours notre confiance pour écouter et pour parler. En risquant toujours d’ouvrir nos yeux sur les plus pauvres. En risquant notre temps limité pour habiter la terre de la prière et de la charité heureuse et concrète. Que le Seigneur soit notre guide et notre appui !